Avec son bureau d’études Kaïros, le navigateur Roland Jourdain conçoit et teste depuis plus de dix ans des matériaux biosourcés assez résistants pour passer la rude épreuve de la mer.
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Double vainqueur de la Route du Rhum en monocoque en 2006 et 2010, troisième du Vendée Globe en 2001, Roland Jourdain a l’un des palmarès les plus impressionnants de la voile française. Sa carrière au plus haut niveau a démarré au milieu des années 1980. Depuis lors, il dit avoir vu « le trafic maritime et la quantité de résidus flottant sur les océans exploser en direct. La sortie du détroit de Gibraltar ou le cap Finisterre (Espagne) sont devenus des autoroutes. » À partir des années 2000, le Breton, qui avait abordé la compétition non pas comme une fin, mais comme un moyen de vivre sa passion des grands espaces, commence à se repasser en boucle, « comme une petite musique entêtante », la question de son propre impact environnemental. La voile de compétition ne pèse presque rien dans le trafic maritime, mais c’est le « presque rien » de Roland Jourdain.
Tester les composites biosourcés
En 2007, il crée Kaïros, une société d’accompagnement à la course au large (kairos-jourdain.com). « En 2009, nous avons fait le bilan carbone de la préparation de mon Vendée Globe sur trois ans, avec nos sponsors. J’avais en tête des ruptures technologiques pour remplacer les matériaux issus de la pétrochimie dans la construction navale. J’ai découvert qu’il y avait aussi des leviers simples pour améliorer le bilan CO2 de l’entreprise à terre. » Durant les deux années suivantes, les locaux de Kaïros à Concarneau font l’objet d’une éco-rénovation. Et pour aller plus loin, en 2012, la société lance Kaïros Environnement, un bureau d’étude spécialisé dans les composites biosourcés.
Un premier trimaran expérimental
Le bureau d’études se fait d’abord la main sur des planches de surf en biomatériaux, avant de mettre à l’eau le Gwalaz, en 2013. Conçu avec l’Ifremer et l’Université de Bretagne Sud, ce trimaran de 7 mètres est la réplique d’un voilier de série (le Tricat 23.5) en liège et fibre de lin, avec une résine partiellement issue du colza. Il tient la mer et prouve que les matériaux biosourcés ont la résistance mécanique requise pour affronter les vagues. À hauteur de la fibre de carbone ? « Non », répond sans détour Roland Jourdain, qui sait à quel point l’océan sollicite des voiliers lancés dans la houle à 25 nœuds ! « Pour le moment, la course au large est exclusivement focalisée sur la performance. » En attendant, il reste les plaisanciers, c’est-à-dire l’immense majorité des voiliers en circulation. « Dans ce domaine, les analyses du cycle de vie montrent qu’on peut réaliser des gains considérables en termes d’empreinte environnementale », souligne Roland Jourdain, tout en rappelant une évidence : « C’est à terre, et non en mer, que nous consommons massivement des plastiques. » Kaïros a d’ailleurs breveté un biocomposite thermoformable entièrement à base de végétaux, recyclable à 100 % et compostable en fin de vie, le Kairlin, avec comme premier débouché le secteur de l’imprimerie, pour élaborer des supports d’affichage. Le produit est actuellement en phase d’industrialisation avec l’entreprise normande IDC.