La pratique d’une activité physique et sportive (APS) régulière est indispensable à la santé. Mais comment l’encourager dans un contexte de changement climatique, où la multiplication des pics de pollution et l’allongement des périodes de canicule affectent nos pratiques ?
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Faire évoluer l’espace urbain
Quand il fait très chaud, il est plus tentant de prendre la voiture que de se déplacer à pied ou à vélo, même pour quelques kilomètres.
Sortir de chez soi pour courir ou taper dans un ballon peut soudain représenter un grand effort, surtout quand on n’a pas les moyens d’accéder à une salle de sport climatisée. « Il est donc indispensable que les collectivités adoptent les principes de l’urbanisme favorable à la santé (UFS), préconise Amandine Richaud-Crambes, ingénieure à l’ADEME, qui vient de rédiger un avis sur l’avenir de l’activité physique et sportive dans le contexte du changement climatique. L’installation d’aires de jeux dans des zones végétalisées et la plantation d’arbres le long des pistes cyclables, par exemple, contribuent à créer localement de la fraîcheur. L’aménagement de trottoirs le long des routes et ronds-points redonne de la place aux piétons. Quant au design actif, il remodèle l’espace public de manière à encourager les activités ludiques et sportives : ruptures de niveau, création de reliefs, changements de texture, dessins au sol… Et ce sans forcément engendrer de travaux importants. »
Des stades et gymnases plus résilients
Face à la hausse des températures, attention aux fausses bonnes idées !
La neige artificielle en moyenne montagne ne fait que repousser la réflexion sur l’adaptation du modèle socio-économique des stations de ski. La climatisation de stades à ciel ouvert ou de gymnases mal isolés entraîne une dépense excessive d’énergie et l’émission de gaz à effet de serre. Même chose pour les bassins extérieurs des piscines quand ils sont chauffés en hiver.
Pour que l’adaptation des infrastructures sportives au changement climatique soit viable, mieux vaut travailler sur leur rénovation énergétique et le recours aux énergies renouvelables. Ainsi, plusieurs piscines de Seine-Saint-Denis sont maintenues à bonne température grâce à l’énergie de data centers voisins. Le stade de Nice, a été rénové voilà dix ans pour devenir un bâtiment à énergie positive : il intègre un système de ventilation naturelle et son toit est recouvert de 7 000 mètres carrés de panneaux photovoltaïques.
La construction de nouvelles enceintes sportives, à réserver aux zones qui en sont dépourvues, ne peut plus passer à côté des sujets environnementaux. Ainsi, l’Adidas Arena, seule infrastructure construite dans Paris intra-muros pour les JOP 2024, présente de multiples atouts : toiture végétalisée de 6 300 mètres carrés pour réduire l’effet îlot de chaleur, système de récupération d’eau de pluie pour alimenter les sanitaires et les systèmes d’arrosage, 1 850 mètres carrés de panneaux photovoltaïques assurant une grande partie de la consommation électrique du bâtiment, et une usine de production de froid urbain par géothermie.
Des tenues et des équipements adaptés et écoconçus
Les progrès techniques permettent désormais aux tenues sportives d’offrir une protection maximale des athlètes contre la chaleur et la pollution. Mais leur fabrication ne tient pas toujours compte du caractère limité des ressources et de la pollution éventuelle liée aux méthodes, au transport et au possible recyclage.
Pour limiter leur impact, mieux vaut privilégier la seconde main, et savoir réparer les petits accrocs. Même chose pour les articles de sport : raquettes, balles, etc., sont souvent difficiles à recycler. Une filière de responsabilité élargie des producteurs (REP), fonctionnant sur le principe du « pollueur-payeur », a d’ailleurs été mise en place en 2022. L’éco-organisme Ecologic, chargé de piloter la collecte, le traitement et la gestion des articles de sport usagés, accompagne désormais les fabricants vers plus d’écoconception et d’économie circulaire.
Changer les règles du jeu…
Dans certaines disciplines, particulièrement polluantes ou affectées par le changement climatique, des transformations commencent déjà à s’opérer.
En biathlon, faute de neige, de plus en plus de compétitions se font désormais en roller-skis. Les courses de vélo envisagent de ne plus passer par certaines régions et de privilégier les cols à l’ombre, mais aussi de décaler leurs dates et horaires pour éviter les trop fortes chaleurs. Des choix que font déjà les sportifs du dimanche, et certains clubs et associations. La Ligue nationale de rugby, quant à elle, a modifié ses règles, de manière que les joueurs aient plus de pauses hydratation lors des événements estivaux.
Écoconcevoir les grands événements sportifs
La planification des rencontres sportives doit garantir la sécurité des athlètes et du public, mais aussi la qualité du spectacle. Les Mondiaux d’athlétisme organisés à Doha, au Qatar, en septembre 2019, l’ont montré : la chaleur nuit aux performances sportives. Bien qu’organisé au coeur de la nuit, le marathon dames y a été le plus lent de l’histoire de cette compétition, et celui avec le plus d’abandons (28 coureuses sur 68 participantes). Pour éviter que cela ne se reproduise, la Coupe du monde de football organisée dans le même pays quatre ans plus tard a été décalée à l’hiver.
Mais l’avenir est plutôt aux manifestations organisées dans des zones plus tempérées, ne nécessitant pas de climatiser les stades. Pour une meilleure acceptation sociale et politique, les futurs événements devront être écoconçus : privilégier la réutilisation d’infrastructures existantes, dans des villes disposant déjà d’une grande capacité d’hébergement, réfléchir aux modes de déplacement des sportifs et des spectateurs, à leur alimentation, etc. « Pour les acteurs de l’événementiel sportif, sortir du déni climatique s’impose, insiste Amandine Richaud-Crambes : Un monde à + 4 °C aurait de grandes chances de siffler la fin de la partie, en raison du manque de fraîcheur et du dépassement de notre budget carbone. »