Ex-rugbywoman professionnelle reconvertie en initiatrice de projets à impact social et environnemental, Lenaïg Corson a toujours été une citoyenne engagée. Rencontre avec une jeune femme qui préfère donner l’exemple plutôt que des leçons.
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Lenaïg Corson le reconnaît volontiers : « À force d’être hyperactive, je donne parfois l’impression d’être partout à la fois ! » Comme cette semaine de printemps où elle a successivement joué les ambassadrices pour le défi Ma Petite Planète¹, entraîné les élèves d’un collège de quartier, animé la Fresque du climat en entreprise, prononcé une conférence, planché sur un appel d’offres pour la RubgyGirl Académie qu’elle a fondée en 2023… avant de défiler dans les rues de Rennes, flamme olympique à la main !
Après une carrière sportive au plus haut niveau, émaillée notamment de trente sélections avec le XV de France féminin, l’ex-rugbywoman est devenue entrepreneure au service des causes qui lui sont chères, au premier rang desquelles la préservation de la planète. « J’ai grandi dans une famille où la nature tient une place centrale, explique Lenaïg. Ma mère soutient depuis longtemps l’association Greenpeace et mon père s’est battu contre l’essor de l’agriculture intensive en Bretagne. »
Une fois devenue étudiante, l’amoureuse des paysages des Côtes-d’Armor s’investit à son tour auprès d’associations de défense de l’environnement. Avec déjà cette soif de comprendre, de s’informer, de construire sa légitimité à prendre la parole qui la caractérise aujourd’hui. Dans un premier temps, elle maintient une cloison étanche entre sa sensibilité écologique et une exposition médiatique qui s’étend à la faveur de ses performances sportives. Jusqu’à ce qu’un déclic se produise pendant le confinement. « J’étais revenue chez mes parents et j’ai assisté à la destruction de nos ruches, dont les abeilles avaient été attaquées par des frelons asiatiques. » Sous le coup de l’émotion – et contre l’avis de son père, qui craint de voir son image brouillée –, la jeune femme poste une vidéo. La réception sur les réseaux sociaux dépasse toutes les attentes. Dans l’esprit de Lenaïg, une petite graine vient d’être semée.
Si nous ne faisons pas les efforts maintenant, nous allons tous subir le réchauffement. Et le sport sera sans doute une des premières choses menacées.
Le sport et sa puissance d’entraînement
À cette époque, sa vie est traversée par des sentiments contraires. Appelée pour disputer des compétitions aux quatre coins du monde, elle connaît la griserie de la victoire et noue de solides amitiés. Mais, de plus en plus consciente des causes et des enjeux du changement climatique, elle s’inquiète du coût carbone de ses déplacements en avion et constate, impuissante, l’inertie du sport de haut niveau face à la nécessité d’adopter des pratiques plus durables.
Faut-il quitter ce milieu pour vivre en accord avec sa sensibilité ? Lenaïg choisit une autre option. À la fin de sa carrière sportive, elle reprend possession d’un certain nombre de choix, par exemple en végétalisant son assiette – là où beaucoup d’athlètes sont incités à surconsommer des protéines animales –, et se promet, le moment venu, d’utiliser le sport comme instrument de pédagogie et de conviction.
Dans la manière dont Lenaïg préside aujourd’hui aux destinées de la RugbyGirl Académie, on reconnaît deux constantes de sa personnalité : la détermination à s’engager personnellement, sans s’exempter des tâches ingrates et la confiance dans l’intelligence collective. Elle peut ainsi convier une trentaine de jeunes filles pour une séance de désherbage autour d’arbres parisiens, un dimanche matin en bordure du périphérique. « A priori, il n’y avait rien pour les faire rêver, s’amuse Lenaïg. Mais avec nos partenaires, l’association Boomforest et la Fondation pour la nature et l’homme, nous avons introduit des éléments de scénario afin de stimuler l’esprit de compétition des filles. Finalement, les deux heures de désherbage sont vite passées ! »
Cet été, les sorties en bateau à la découverte de la biodiversité, les ateliers sur l’alimentation saine et durable (comprendre : végétale, locale, de saison et bio dans la mesure du possible) mêleront aussi information, conseils pratiques et défis sportivo-ludiques.
Je me suis rendu compte que mon image d’athlète de haut niveau n’était pas un handicap pour parler d’environnement, bien au contraire !
Cultiver un optimisme de l’action
En entendant Lenaïg exposer ses mille projets et initiatives, on comprend qu’agir sur tous les fronts l’aide à apaiser une inquiétude très vive. « Si nous ne faisons pas les efforts maintenant, nous allons tous subir le réchauffement. Et le sport sera sans doute une des premières choses menacées, comme on l’a vu pendant la pandémie. »
Pourtant, l’entrepreneure sait qu’il existe des raisons de ne pas (complètement) désespérer. « En France, un million de personnes ont été formées à la Fresque du climat et, à en juger par le nombre de sollicitations qui me parviennent, les entreprises sont avides de conseils pour elles-mêmes et pour leurs salariés. »
Une expérience vécue par Lenaïg illustre l’évolution des mentalités. Alors qu’elle était responsable RSE au Stade français Paris, elle a voulu convaincre Coca-Cola d’installer des tireuses pour réduire la consommation de bouteilles en plastique les jours de match. Réponse : « Le consommateur n’est pas prêt. » Il y a quelques mois, le géant américain a manifesté son intention de déployer massivement fontaines à eau et sodas, gobelets consignés et bouteilles en verre lors des Jeux de Paris. Une annonce que Lenaïg a vécue comme une petite revanche.
¹ Jeu de défis écologique à vivre entre amis, collègues ou camarades de classe pendant trois semaines.