2,6 milliards de vêtements sont vendus chaque année en France, soit 39 par personne. Nous en achetons plus que de besoin, ce qui nuit autant à l’environnement qu’à notre santé. Acheter moins, mais mieux, réduirait cette empreinte sans nécessairement peser davantage sur nos budgets.
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L’environnement, bien sûr
Le secteur textile représenterait 4 à 8 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, soit autant, si ce n’est plus, que l’aviation. « Comme tous les produits manufacturés, les vêtements ont un impact. Leur fabrication nécessite des matières premières, de l’énergie et de l’eau. Elle peut aussi participer à la pollution des sols et des eaux, explique Raphaël Guastavi, directeur adjoint Économie circulaire de l’ADEME. Des produits chimiques, toxiques et nocifs pour la santé, sont utilisés à toutes les étapes : pesticides pour la culture du coton, matières fossiles pour la production de fibres synthétiques, teintures et apprêts pour les finitions… Sans parler des microplastiques libérés à chaque lavage par certains textiles, ou encore du problème posé par les 5,2 millions de tonnes de déchets que deviennent nos vêtements usagés en Europe. »
Pour une mode accessible… mais juste
Un T-shirt vendu à tout petit prix ne peut exister qu’aux dépens de l’environnement et des droits humains.
Certes, cela permet à des populations en réelle difficulté financière de s’habiller. Mais, le plus souvent, les prix par article sont si dérisoires, et l’incitation à la consommation si forte, que même des personnes à faibles ressources peuvent se retrouver à dépenser plus que prévu. Il est d’autant plus difficile de résister que ces plateformes lancent chaque jour de nouveaux modèles, et le font savoir à grand renfort de publicités, de promotions attrayantes et de vidéos montrant des influenceurs déballer leurs colis sur les réseaux sociaux. Une stratégie qui va à l’encontre des objectifs climatiques et de la nécessaire réduction de la pression sur les ressources. C’est pourquoi, à l’heure où nous écrivons ces lignes, une proposition de loi anti-fast fashion s’apprête à être débattue au Sénat pour pénaliser financièrement ces pratiques. Un affichage environnemental volontaire va aussi être déployé en France à partir de l’automne, pour aider le consommateur à choisir entre deux pièces équivalentes (deux robes, par exemple) celle qui sera la plus vertueuse. « Il s’agit d’afficher le coût environnemental du vêtement en points d’impact sur l’étiquette ou sur le site Internet de la marque, explique Maurine Poirier, ingénieure Économie circulaire à l’ADEME. Il ne s’agit pas seulement de pollution, mais aussi de consommation d’eau, de durabilité, etc. Plus l’impact du vêtement sur l’environnement sera important, plus le chiffre sera élevé. La méthode de calcul a été construite par le ministère de la Transition écologique et l’ADEME. Elle est mise à disposition via l’outil Ecobalyse et prend en compte l’ensemble du cycle de vie du produit. » Même si la démarche sera volontaire, elle devrait contribuer à des choix de consommation plus éclairés pour le consommateur. Elle devrait aussi guider les fabricants dans leurs démarches d’amélioration de la performance environnementale des produits.
Une question de survie pour les entreprises françaises du secteur
Fermetures de magasins, redressements judiciaires… : depuis quelques années, les marques de prêt-à-porter françaises sont en crise.
Et les causes sont multiples, que ce soit lié aux stratégies de développement des entreprises, des difficultés face aux crises et événements économiques extérieurs (Covid, augmentation du prix de l’énergie…) ainsi qu’à nos choix de consommation (notamment vers des produits à moindre coût). Certaines entreprises tricolores misent sur l’écoconception, la décarbonation et l’éthique : non seulement cela aide à réduire leur empreinte environnementale et sociale, mais aussi à se démarquer de leurs concurrents
Un rapport aux vêtements et chaussures à redéfinir
Pour que le secteur évolue, il ne suffit pas de saluer les marques écoresponsables.
Il faut aussi privilégier leurs vêtements et chaussures à ceux issus de la fast fashion et de l’ultra-fast fashion. Certes, ils sont plus chers, car ils répondent à des engagements environnementaux et sociaux, et parfois, fabriquent leurs produits en France ou ailleurs en Europe. Certaines marques misent sur la durabilité physique et/ou le service adapté pour optimiser la durée de vie de leurs pièces, qu’elles soient des basiques ou créatives. D’autres placent la durabilité émotionnelle au coeur du produit. C’est pourquoi il est important de choisir des pièces qui ressemblent à sa personnalité, dans lesquelles on se sent à l’aise, et qui seront toujours faciles à porter avec les pièces de son placard. À voir les résultats de l’étude de l’ADEME et de l’Observatoire Société & Consommation (ObSoCo), « nous aurions déjà 175 vêtements en moyenne dans nos placards, et nous en portons moins de la moitié, rappelle Pierre Galio, chef du service Consommation responsable à l’ADEME. Le problème, en matière d’habillement, c’est que la notion de besoin dépasse la seule nécessité de se vêtir. Il s’agit de répondre à des normes sociales, de se créer une identité, de se faire plaisir… Ce rapport aux vêtements, nous devons le repenser ». Pour atteindre les objectifs climatiques, il nous faut allonger la durée de vie de nos vêtements et les porter plus souvent. « La sobriété n’empêche pas de se faire plaisir », précise Pierre Galio. Mais, avant d’aller faire un tour dans un magasin, on peut se demander si on n’a pas déjà ce que l’on cherche dans notre armoire, y retrouver des trésors oubliés et réparer ce vieux pull qu’on aimait tant. On peut aussi opter pour de la seconde main locale. Et, surtout, si on ne trouve toujours pas, on peut préférer les produits porteurs d’un label environnemental reconnu, durables et de bonne qualité et éviter l’ultra-fast fashion. En questionnant son besoin avant d’acheter, on peut ainsi dépenser le même budget : on aura moins de vêtements dans notre panier, mais on sera sûrs de tous les porter. Reste à apprendre à résister aux sirènes de la publicité, et à souhaiter l’adoption par les marques d’une communication plus responsable.
Des étiquettes davantage transparentes
Une obligation s’applique depuis cette année sur les étiquettes.
Les fabricants et distributeurs avec un chiffre d’affaires annuel supérieur à 10 millions d’euros, et qui mettent sur le marché français au moins 10 000 unités par an d’un produit, doivent désormais indiquer sur ce produit les pays des trois grandes étapes de sa fabrication : le tissage/tricotage, la teinture et l’impression, puis la confection. Cette transparence démarquera les filières 100 % françaises en pleine renaissance, comme celles de la laine, du lin ou du chanvre.
Doit-on encore parler de « mode » ?
Le mot renvoie à l’éphémère, puisqu’il incite à remplacer souvent son dressing. C’est une forme d’obsolescence, alors qu’il nous faut au contraire rallonger la durée de vie de nos vêtements pour amortir le coût environnemental de leur fabrication.