Portrait

“On a pris des risques, mais le Covid nous a fait grandir”

À la tête de la scierie familiale à Aillevillers, en Haute-Saône, Valérie Deschaseaux a traversé la crise sanitaire avec l’instinct de survie chevillé au corps. Sa solution : diversifier l’activité vers des filières plus écologiques.


Dans la mythologie grecque, le chêne est symbole de force, de pouvoir et de longévité. Le portrait craché de Valérie Deschaseaux, dont la scierie débite 50 000 m3 par an de grumes de chêne.

Forte?

Elle se dit épuisée après 18 mois de gestion de crise. Mais elle raconte son histoire avec un débit aussi rapide que dense. « Le 15 mars 2020, notre client de connexes (chutes de sciage) nous informe qu’il fermait ses portes jusqu’à nouvel ordre en raison du confinement. Le 16 à 10 heures, Réseaux ferrés de France nous annonce qu’ils stoppent leurs chantiers et donc les commandes de traverses à cause du confinement. Pendant 15 jours, j’ai cru que c’était la fin. » Ces traverses qui soutiennent les rails de nos voies ferrées constituent le premier débouché de la scierie. Les planches sorties de grume avant d’obtenir la traverse sont destinées à l’ameublement, mais ce qui met la scierie en route, c’est la demande de traverses. Alors « quand nos clients fabricants de meuble me disent qu’ils vont remettre en route huit jours après, j’y suis allée au bluff et j’ai dit oui, on peut. On a scié pour les fournir et on a stocké les traverses. » En juin dernier le parc de la scierie cumulait six mois de stock. Mais Valérie connaît son marché et l’activité est repartie. Le stock de traverses avait disparu à la fin du mois d’août.

Puissante?

Valérie Deschaseaux est à la tête de la scierie familiale depuis 11 ans. Elle a du flair et le métier dans le sang. C’est ce qui lui confère son autorité. Quand elle devient la patronne en 2010, c’est pour pérenniser l’entreprise que ses parents avaient fondée. Elle investit dans la mécanisation, dans un logiciel de scannage pour valoriser au mieux la matière. La chaudière biomasse des années 2000 a été remplacée en août 2021 par une chaudière capable de développer 4,5 MW de puissance contre 2 précédemment. Un investissement de 1 million d’euros décidé par Valérie en plein marasme du Covid. Non seulement la chaudière consomme les écorces de la scierie mais le doublement de la puissance rend possible une diversification vers des activités relais de croissance. Le sens de l’Histoire étant celui de la transition énergétique, elle cible la production de bûches compressées fabriquées à base de plaquettes séchées. Un séchoir est installé et les premières plaquettes sortent le 18 mars 2021. Un an après le début du confinement, la scierie repartait de l’avant. La chaudière a bénéficié d’une subvention de 484 000 euros puisée sur le plan de relance dans le cadre de l’appel à projets de l’ADEME « Biomasse chaleur, industrie, agriculture tertiaire ».

Inépuisable?

À 53 ans, Valérie dit qu’elle voudrait souffler. Mais rares sont ceux qui la croient. Elle est déjà sur le coup d’après. Il y en a plusieurs, dont la sécurisation des approvisionnements alors que la Chine capte une part croissante des grumes européennes. Un risque économique et une aberration écologique. Alors, cette femme autodidacte qui se destinait, au départ, à une carrière dans le social, s’empare du sujet, lit tout, s’entoure, trouve les solutions et souffle : « Finalement, le Covid nous a fait grandir. »

Bio

1991

Elle entre comme secrétaire dans la scierie familiale, « ma deuxième naissance »

2010

Valérie Deschaseaux prend la direction, « un super-challenge »

18 mars 2021

L’activité de plaquette sèches démarre, « une victoire personnelle et professionnelle »