Décryptage

« L’ADEME porte un message d’action, de mobilisation et d’espoir »

La transition écologique doit être territoriale pour réussir : telle est la conviction de Sylvain Waserman, nommé cet été président-directeur général de l’ADEME. Une vision forgée au cours d’un parcours qui mêle expérience entrepreneuriale et engagement dans la vie publique, locale comme nationale.


Dans quel état d’esprit arrivez-vous à la tête de l’ADEME ?
Sylvain Waserman

Je prends mes fonctions dans un contexte particulièrement stimulant. L’éveil des consciences face à l’impératif de la transition écologique est une réalité : plus de 80 % des Français reconnaissent que le dérèglement climatique est lié à l’activité humaine. La question centrale, aujourd’hui, c’est le passage à l’action. Or nous disposons d’un cap. Pour ne parler que des émissions de CO2, la France doit les diminuer de 140 millions de tonnes d’ici à 2030. Cet objectif global est décliné par gisements, bientôt par territoires, et nous disposons d’indicateurs pour mesurer l’efficacité des mesures adoptées. Aux côtés des équipes de l’ADEME, j’ai pour ambition de montrer qu’il y a un chemin pour réussir à relever ce défi et que chacun doit y prendre sa part. Le message que je porte, c’est donc à la fois un message d’action, de mobilisation et d’espoir.

Lors de votre parcours, avez-vous eu l’occasion de travailler avec l’ADEME ?
S. W.

En tant qu’élu, j’ai souvent côtoyé l’ADEME. Mais c’est surtout comme chef d’entreprise que j’ai pu mesurer son rôle décisif. J’ai dirigé une société d’économie mixte spécialisée dans l’énergie. À mon arrivée, cette entreprise faisait du gaz naturel depuis 150 ans. Huit ans après, à mon départ, elle réalisait 30 % de son chiffre d’affaires dans les réseaux de chaleur et était devenue un acteur engagé de la transition énergétique de son territoire. Sans l’ADEME, ce changement de modèle n’aurait pas été possible. De fait, l’Agence se situe au centre d’un écosystème composé d’acteurs publics et privés. Elle y joue ce rôle de catalyseur pour la décarbonation de  l’économie, sujet qui me tient particulièrement à cœur. De mon parcours, j’ai aussi acquis la conviction que la transition écologique doit d’abord être territoriale. C’est tout le sens du Livre blanc que j’ai rédigé en 2016* : le cadre général et les ressources sont votés à Paris, mais le succès ou l’échec d’un projet se jouent à l’échelon local.

Certaines collectivités se sentent démunies face aux défis à relever. Comment l’ADEME peut-elle les aider ?
S. W.

La transition écologique reste un sujet complexe. Au-delà des subventions  que nous apportons, notre responsabilité est de décrypter les enjeux de cette  transition auprès des élus. C’est dans cet esprit que j’évalue la possibilité de lancer un réseau de référents « transition écologique » au sein des collectivités, qui accepteraient de nous consacrer une journée par an et une réunion par trimestre. L’idée : créer une communauté d’élus qui pourraient se faire le relais de nos travaux auprès de leurs collègues, avec leur langage, et partager avec eux les solutions que l’ADEME, et plus généralement l’État, met à leur disposition. Autre levier : l’aide en ingénierie. L’assistance à maîtrise d’ouvrage ne doit pas reposer sur les seuls bureaux d’étude. L’ADEME doit être reconnue par les élus comme un tiers de confiance et, à  ce titre, intervenir en amont de chaque projet. Notre accompagnement sera d’autant plus efficace qu’il sera mieux coordonné avec les autres opérateurs publics de la transition. J’ai ainsi pris l’initiative de me rapprocher de mes homologues du Cerema, de l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) et de la Banque des territoires, pour un travail d’analyse commun, basé sur une vision territoriale. La mission de nos directions régionales respectives sera de se mettre autour de la table pour dresser un état des lieux partagé des freins, des spécificités locales et des besoins, l’objectif étant de ne laisser aucun territoire sur le bord du chemin.

Vous avez vous-même commencé votre mandat par une tournée dans les directions régionales de l’ADEME…
S. W.

J’avais besoin de me nourrir de ce qui se fait sur le terrain. J’ai aussi rencontré les préfets de chaque région et des élus. J’en tire plusieurs axes de travail prioritaires. Tout d’abord, garantir l’adéquation entre nos effectifs et notre feuille de route. C’est un objectif que je partage avec les partenaires sociaux. Pour cela, nous devons mieux modéliser nos ressources et leurs facteurs dimensionnants. Le deuxième axe, c’est le sens : nous avons la chance de travailler avec des collaborateurs engagés. Il faut à tout prix conserver cet état d’esprit. Le troisième concerne la généralisation massive des solutions qui marchent, en travaillant sur nos processus pour accompagner la croissance des moyens publics dans le domaine de la transition écologique, interroger nos modes d’intervention, nos offres et nos outils. Il s’agit aussi de mieux mesurer l’efficacité carbone de l’euro investi. De plus, nous devons continuer de prendre l’initiative en termes de prospective pour aider à imaginer le monde de demain. Nous devons nous intéresser à la façon dont le numérique et l’intelligence artificielle peuvent devenir des alliés précieux de la transition écologique. Et nous devons réfléchir à notre rôle dans la façon de mobiliser les citoyens, les acteurs économiques et les collectivités territoriales.

Précisément, comment amplifier cette mobilisation ?
S. W.

Encore une fois, le pari de la prise de conscience est gagné. Mais il faut maintenant passer du générique au spécifique. Tout commence par des actions simples, comme mesurer, individuellement, notre empreinte carbone. Les simulateurs en ligne du site nosgestesclimat.fr de l’ADEME sont de formidables outils ! Établir soi-même son bilan, connaître son impact, c’est le début de l’action. Cela encourage à mettre en oeuvre des solutions, notamment celles que nous proposons sur agirpourlatransition.ademe.fr. L’ADEME doit aussi combattre « l’aquoibonisme », ce mode de pensée selon lequel nos efforts n’auraient pas  ou peu d’impact au niveau mondial. Je crois au contraire à la force du soft power français. À l’image de la taxe carbone aux frontières, nos décisions ont une influence, en Europe et dans le monde. Mais pour cela, il faut réussir notre part du chemin et montrer que c’est possible. Cet espoir-là, l’ADEME a vocation à le faire vivre, par des actions et des résultats.

L’une des missions de l’ADEME n’est-elle pas aussi d’éclairer la décision publique ?
S. W.

Je dis toujours « Éclairer », mais aussi « Inspirer » la décision publique ! Notre expertise nous positionne comme un tiers de confiance incontestable auprès des pouvoirs publics. Notre mission est de faire émerger des solutions nouvelles, d’être force de proposition. À mon sens, chaque collaboratrice et collaborateur de l’ADEME peut être un ambassadeur de cette approche.

*Le modèle local de l’énergie. Un accélérateur de transition énergétique des
territoires