D’ici 2030, tous les ports européens devront être équipés en puissantes prises électriques alimentant les navires pendant les escales. Celui de Marseille fait figure de précurseur : d’ici fin 2025, avec l’appui de l’ADEME PACA, il aura raccordé quasiment tous ses ferries. Un plus en matière de qualité de l’air pour les habitants comme pour les employés à bord.
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Des potences électriques pour des escales plus propres
Depuis quelques années, de nouvelles potences équipent progressivement les quais du Grand Port Maritime de Marseille. Ancrées dans le sol, hautes de plusieurs mètres, elles se prolongent par un câble se raccordant à un boîtier situé sur le flanc des navires. « Ce sont en quelque sorte des prises géantes, explique Philippe Boeglin, ingénieur en charge de la thématique Qualité de l’Air à l’ADEME Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA). « Chacune délivre entre 1,5 et 2 mégawatts d’électricité – l’équivalent de la consommation de plus de 1 000 foyers – pour permettre aux navires de fonctionner pendant les escales ». Un atout majeur pour faire coexister ce port et la ville à proximité immédiate.
Auparavant, les navires gardaient les moteurs en marche pendant les escales – 12 heures en moyenne – afin de générer l’énergie nécessaire à la vie à bord : lumière, climatisation, chauffage… Les moteurs tournant au combustible, des composants polluants étaient rejetés dans l’atmosphère : CO2 mais aussi soufre, azote, particules PM2.5 (moins de 2,5 micromètres) et PM10 (moins de 10 micromètres)… Or, la pollution de l‘air est un enjeu de santé publique : les particules fines PM2.5 sont responsables à elles seules de 40 000 décès évitables par an en France, et celles des oxydes d’azote (NOx) de 7 000 décès.
Une technologie efficace mais coûteuse
Pour limiter ces émissions, les « connexions électriques de navires à quai, appelées CENAQ, représentent la meilleure technologie disponible », pointe Philippe Boeglin. Les navires, une fois branchés, coupent leur moteur et fonctionnent à l’électricité qui, elle, provient à plus de 70 % du nucléaire en France, ce qui la rend décarbonée. Mais l’installation du dispositif coûte cher. Il faut réaliser des études préalables, puis des travaux sur les quais (raccordement au réseau électrique, génie civil…) et sur les navires. Coût et durée de l’opération : plus d’un million d’euros l’unité, dédiée à chaque bateau, chacun ayant son équipement attitré, pour 18 mois minimum d’intervention.
Depuis 2012, l’ADEME, a déjà attribué près de 7 millions d’euros en soutien à ces investissements à fort impact environnemental, auprès des ports de Marseille, Toulon et Nice, et de compagnies maritimes. Désormais co-financeur uniquement de la partie équipement des navires, accordant en moyenne 300 000 euros par opération, elle s’appuie, depuis l’année dernière, sur un « Fonds air » national pérennisé cette année.
Six navires sillonnant la mer Méditerranée depuis Marseille, ont déjà été raccordés. À chaque navire branché, ce sont des tonnes de polluants évitées : NOx, COV, particules, SOx, méthane, métaux lourds… et plusieurs centaines de tonnes de CO2 en moins dans l’atmosphère. « On peut le calculer pour chaque navire puisqu’on connaît sa motorisation, et les quantités d’émissions polluantes associées – tout sort par les cheminées ! », souligne l’ingénieur de l’ADEME PACA.
L’électrification gagne du terrain
Le Grand Port Maritime de Marseille (GPMM) a lancé fin 2024 un nouveau grand projet d’électrification : celui des bassins de réparation de navires, et notamment la « forme 10 », longue de quelque 450 mètres, face au petit port de l’Estaque. « Ces bassins restent le trou dans la raquette, estime Philippe Boeglin. L’activité de réparation navale, historique et légitime à Marseille, expose les populations littorales à des dépassements récurrents de pollution atmosphérique et de bruit, en période de chantier, qui ne sont plus supportables par les riverains ». D’autant que de nouvelles normes européennes et mondiales, plus restrictives, sont à venir et applicables dès 2030.
Les navires ralliant l’Algérie et la Tunisie en voie d’être raccordés
L’ensemble des ferries à l’escale à Marseille sont en passe d’être couverts par le dispositif de connexion électrique à quai. Derniers en date, les ferries desservant le Maghreb, sur le nouveau terminal international passagers du Cap Janet inauguré en 2023. Les trois navires d’Algérie Ferries, les deux navires de la compagnie Corsica Linea ralliant l’Algérie, et les deux de la Compagnie Tunisienne de Navigation ont bénéficié au total de plus d’1,7 million d’euros d’aide de l’ADEME pour financer leur équipement. Les travaux sont en cours et devraient s’achever d’ici la fin de l’année.