Discovery, l’équipe chargée de l’exploration et de la R&D chez EDF, a demandé à une quinzaine d’experts, dont deux de l’ADEME, d’écrire ensemble des contes futuristes et positifs sur la transition écologique. Le résultat ? Quatre nouvelles littéraires, montrant qu’il est encore possible d’arriver à une société décarbonée, juste et désirable en 2050. Et une conviction : recourir à l’imaginaire est un bon point de départ pour une concertation.
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L’avenir n’a pas forcément à être dystopique
À force d’être nourris de fictions postapocalyptiques, dont les héros n’ont d’autre objectif que de survivre à l’effondrement climatique, on peut être tenté de baisser les bras. Pourtant, les jeux ne sont pas faits, il est encore possible d’agir ! « D’autres trajectoires sont possibles, assure Valérie Martin, cheffe du service Mobilisation citoyenne et médias à l’ADEME, et nous avons besoin de contre-récits pour le rappeler. Une vision désirable du futur, qui n’occulte pas les difficultés mais laisse entrevoir des solutions, donne davantage envie aux gens de se mettre en mouvement. C’est pourquoi j’ai été ravie de participer au projet d’EDF Discovery. »
Début 2023, cette équipe d’animation de l’innovation de la R&D d’EDF a réuni des ingénieurs, sociologues et philosophes spécialistes de la transition écologique, mais issus d’organismes divers : ADEME, CEREMA, CEA, SATT Toulouse Tech Transfer, École nationale supérieure d’architecture de Strasbourg et Ateliers 2 tonnes. Elle les a mis au défi d’écrire des récits futuristes et positifs sur la transition écologique, en suivant la structure classique d’un conte : des héros chargés d’une mission impossible, des obstacles, la tentation d’abandonner et, grâce à des alliés solides, un dénouement positif. Le résultat a été mis en ligne. Son titre : « Imaginer en commun un avenir positif – Quatre aventures vers un monde juste et neutre en carbone ».
Voir le positif au-delà des sacrifices
Le premier récit met en scène une famille qui se bat à l’échelle politique, sur plusieurs générations, pour un monde décarboné mais pas totalitaire. Le second accompagne le fils héritier d’une industrie agro-alimentaire qui, en transformant les activités de son entreprise, réussit à lui éviter la banqueroute tout en étant en phase avec les objectifs de neutralité carbone. La troisième suit une jardinière de la Villa Médicis, qui lutte pour en adapter le parc au changement climatique. Dans la quatrième histoire, deux enfants et un grand-père se mobilisent pour sauver un square, unique lieu de vie et de verdure de leur quartier. Tous accompagnent à leur échelle la même dynamique, celle de la transition.
Il existait déjà des initiatives visant à faire émerger de nouveaux récits écologiques. Mais c’est la première fois qu’on demande à des profils scientifiques, et non à des scénaristes ou à des citoyens, de prendre la plume. Cela apporte du réalisme. Dans leurs contes, pas de magie ni de miracle technologique. Des efforts seront bien nécessaires. Mais, alors que beaucoup sont effrayés par ce qu’ils vont devoir sacrifier, ces histoires aident à entrevoir ce que les changements demandés peuvent apporter de positif, au niveau collectif comme individuel.
La suite dépend de chacun de nous !
L’objectif de ces récits, qui ne sont ni exhaustifs ni parfaits, était avant tout de contribuer à donner envie de se mobiliser plus vite face aux défis de notre temps. Ils s’attachent notamment à identifier ce que les changements peuvent apporter de positif. L’idée était aussi d’inciter des acteurs très différents, qui ne pensent pas pareil, à construire ensemble des imaginaires communs.
Une méthode de concertation inspirante
« Bien que nous devions être dans la fiction, il nous a fallu plus d’un an pour produire un objet cohérent, dont nous pouvions tous être fiers, reconnaît Valérie Martin. Sans ce temps long, nous n’aurions pas réussi à dépasser nos blocages. Nous venions tous d’horizons différents, avec des expériences très variées. Nous avons donc dû apprendre à nous connaître et à nous écouter, avant d’accepter de lâcher prise, de sortir de nos postures, de dépasser nos certitudes et de revoir certains de nos objectifs. »
La démarche a permis de tester une nouvelle méthode de travail collaboratif et décloisonnée. Tous les experts invités à y participer ont été séduits. C’est le cas de Jean-Louis Bergey, coordinateur de la prospective à l’ADEME. Après avoir piloté la fin de l’étude prospective Transition(s) 2050, publiée fin 2021, il prépare la suite. Et il compte bien s’inspirer de cette méthode : « Pour le prochain exercice, plutôt que de faire travailler chaque équipe de l’ADEME sur le futur de sa thématique, nous allons sans doute leur demander d’imaginer ensemble les parcours de quelques personae, envisage-t-il. Cela devrait apporter de la densité et de l’émotion aux scénarios, mais aussi faire naître des problématiques insoupçonnées. »