Portrait

“Nous devons proposer des solutions au monde agricole”

Avec Invers, Sébastien Crépieux mise sur la farine de vers « made in Auvergne » pour créer une filière de production locale de protéines d’insectes et apporter une source de revenu complémentaire aux agriculteurs.


Un simple jeu de mots ? Pas si sûr. « Invers », c’est le nom de l’entreprise fondée il y a quatre ans par Sébastien Crépieux et ses associés. C’est aussi la philosophie du projet : inverser la tendance, changer de paradigme dans le secteur agricole. « Ce qui suppose de remettre en cause le modèle en cours et de proposer des solutions au monde agricole. Pourquoi, par exemple, nourrir les animaux d’élevage et domestiques avec des farines de poisson responsables de la surpêche ou de la farine de soja OGM importé ? » interroge cet ingénieur agronome de 45 ans. Avant Invers, Sébastien Crépieux a fleuri pendant dix ans les rues de Bruxelles et du Luxembourg. Il installait alors des murs végétaux pour répondre au manque de verdure dans les grands centres urbains. Mais l’appel de la nature était trop fort. En 2015, il vend son entreprise, quitte la Belgique, s’installe dans la petite commune de Mezel, dans le Puy-de-Dôme. Mais cherche encore sa voie dans la transition vers de nouveaux modèles de production agricole.

Les débuts dans un grenier

Le déclic vient en lisant un article du journal Le Monde sur la surpêche. « Près de 40 % de la pêche mondiale est consacrée à l’alimentation de la pisciculture », tance ce père d’un garçon de 12 ans. L’alternative ? Créer de toutes pièces une filière de production locale et durable de protéines de vers de farine, faciles à élever et à transformer, qui épargne les milieux naturels sensibles. Dès 2016, les bases d’Invers sont posées… dans le grenier de sa maison. Une subvention de l’ADEME via le concours d’innovation i-Nov aide à financer un premier bâtiment pilote, au printemps 2020. « Aujourd’hui, quatre agriculteurs ont investi dans des bâtiments de production zéro énergie, zéro émission et peu consommateurs d’eau », détaille Sébastien Crépieux, qui emploie 25 salariés. C’est Invers qui entame l’élevage des micro-larves, avant de les fournir aux agriculteurs. Ces éleveurs d’un nouveau genre engraissent les insectes pendant quatre semaines, avant de les rendre à Invers qui valorise les protéines qu’ils contiennent en croquettes pour chiens et chats, aliments pour poissons et oiseaux. Leurs déjections sont utilisées comme engrais organique, afin de fertiliser et redonner vie aux sols agricoles.

Diversification des agriculteurs

S’il reconnaît que la tâche est plus ardue qu’il ne l’avait imaginé, aucun stress ne transparaît de sa voix placide. L’entreprise vient de lever 15 millions d’euros pour construire un couvoir de 4 000 m2, capable de fournir rapidement 25 exploitations. « Pour les agriculteurs, c’est une nouvelle diversification qui apporte une sécurité de revenu, tout en étant moins dépendants aux aléas climatiques », conclut l’ambitieux quadra, bien décidé à changer les pratiques agricoles, « en vers » et contre tout.