Portrait

« Instaurer des pratiques vertueuses sur les plateaux de tournage »

Régisseuse dans l’audiovisuel, Mado Le Fur est confrontée au quotidien à la surconsommation sur les tournages. C’est ce qui l’a poussée à endosser une seconde casquette : celle d’écoréférente sur les plateaux.


Mado Le Fur se souvient parfaitement du jour où elle a eu un déclic : « En 2018, sur le tournage d’un film en Bretagne. » La raison ? « L’arrivée, dès le premier jour, d’une palette entière de petites bouteilles d’eau en plastique ! Quel gâchis… Je me suis dit qu’il fallait réagir. » Il y a aussi la quantité de matériaux neufs utilisés pour construire les décors, l’énergie dépensée pour faire tourner les machines… Chaque année, le secteur audiovisuel en France émet 1,7 million de tonnes équivalent CO2, soit autant que 700 000 vols Paris – New York1.
À 51 ans, Mado Le Fur est régisseuse depuis trente ans. Cela signifie qu’elle gère, avec son équipe, la logistique des tournages de films, courts-métrages ou séries. Elle a travaillé à Paris, puis cinq ans à Strasbourg (pour Arte) et deux ans en Allemagne. Mais sa conscience écologique se heurtait de plus en plus aux habitudes en place. « En 2020, en plein confinement, je me suis donc formée avec l’association Écoprod au métier d’écoréférente », raconte cette mère de deux ados lycéens.

« Le champ des possibles est immense »

La Brestoise cumule aujourd’hui les deux rôles. Depuis quelques mois, elle travaille deux jours par semaine sur le tournage de « Déter », série de France TV tournée en Ille-et-Vilaine, qui met en scène la vie d’un groupe d’amis dans un lycée agricole. Une grosse production où elle a vraiment les moyens d’agir. « Je mesure notre impact et instaure des pratiques plus vertueuses sur le plateau, détaille-t-elle. Les choses ont déjà commencé à bouger : un panneau solaire mobile nous permet de gagner en autonomie énergétique. »
« Il y a des récupérateurs d’eau et, pour les décors, nous travaillons avec des recycleries, tout en utilisant des peintures et des produits de maquillage les moins polluants possibles. » Terminées aussi, les bouteilles d’eau en plastique. Elle se réjouit que les mentalités évoluent (un peu) et que, depuis mars dernier, la loi impose un bilan carbone pour les œuvres de fiction.
Écolo convaincue, Mado Le Fur est parvenue à se mettre en phase avec ses pratiques personnelles. « Au quotidien, j’applique de nombreux écogestes. On ne peut plus passer à côté du sujet, on n’a qu’une planète », assène celle qui, aujourd’hui, souhaite travailler le plus possible en Bretagne. Il y a quelques années, elle a créé une Amap2 de quartier, à Brest, qui distribue des produits bio et de saison. Cette sensibilité à l’environnement vient de son enfance. Ses parents étaient agriculteurs. À la campagne, « on grandit avec l’esprit de sobriété chevillé au corps », sourit l’écoréférente. Un esprit qu’elle tente d’insuffler aujourd’hui sur les plateaux.

1. Étude « Environnement et climat, de nouveaux enseignements pour les acteurs de l’audiovisuel » Ecoprod, 2020.
2. Association pour le maintien d’une agriculture paysanne.