Dossier

Des champs à nos armoires, du lin 100% français

Dans quelques mois, la petite ville de Saint-Martin-du-Tilleul, dans l’Eure, accueillera une filature de lin. La renaissance d’un savoir-faire crucial pour l’avenir de la mode durable.


Faibles besoins d’apports en eau et en azote, pas de déchets de produc­tion, des propriétés isolantes, une grande durabilité sans perte de qua­lité… le lin a toutes les qualités re­quises pour devenir la star des fibres textiles écologiques. Et d’ailleurs la demande comme la production aug­mentent régulièrement depuis plu­sieurs années. Une bonne nouvelle pour l’agriculture française, qui cara­cole en tête du marché mondial du lin textile, avec 75 % des récoltes. Il y a cependant une ombre à ce tableau idyllique, ou plutôt un cumulonimbus géant. Depuis les années 1970, la to­talité des fibres sortent de nos fron­tières pour être filées, empêchant ainsi la structuration d’une véritable filière lin nationale.

Natup, vers une filière 100 % française

Toutefois la situation est en train d’évoluer rapidement, avec la créa­tion de plusieurs filatures de lin sur le territoire français. Après l’ouverture en 2019 d’une usine en Alsace par la société Emmanuel Lang, c’est en Nor­mandie, terre de lin par excellence, qu’une seconde filature verra le jour d’ici la fin de l’année. À sa tête, la coopérative agricole NatUp. « Chez NatUp dont le métier historique est la production et la commercialization de céréales, le lin est une histoire re­lativement récente, qui relève d’une volonté de diversification », indique Marion Demouge, directrice de la communication et de l’engagement coopératif de NatUp. Commencée avec l’acquisition de Linéo (transfor­mation des fibres longues pour les composites industriels), l’aventure du lin chez NatUp s’est poursuivie avec les rachats d’EcoTechnilin (fibres courtes), de la Linière de Saint-Martin, spécialiste du peignage, et enfin du tisseur Lemaitre Demeestere. « Cette intégration des différentes étapes de la chaîne de valeur du lin nous a per­mis d’envisager la création d’une vé­ritable filière 100 % française, mais il nous manquait l’étape cruciale du filage, qui se situe entre le peignage et le tissage. » Pilotée par NatUp Fibres, la future filature s’implantera sur le site de la Linière de Saint-Martin, à Saint-Martin-du-Tilleul.

Un lin de haute qualité, durable et local

« À l’inverse de l’installation “au sec” d’Emmanuel Lang, nous avons opté pour la technologie “au mouillé”, dans laquelle la fibre est blanchie et trem­pée dans l’eau chaude afin de faciliter son étirement, ce qui permet d’obte­nir un fil fin pour l’habillement ou le linge de maison ; l’idéal par exemple pour la confection de chemises. » En rythme de croisière, les 25 collaborateurs de l’usine fabriqueront 250 tonnes de fil par an, soit de quoi donner naissance à plus de 1 million de chemises à destination d’une clientèle friande de made in France. « Ce sont là des quantités modestes, explique Marion Demouge. Mais notre volonté est avant tout de prou­ver la faisabilité d’un lin de haute qua­lité, durable et local, en préservant au passage des savoir-faire en voie de disparition. » La filature a également été pensée pour servir le collectif : elle comportera un laboratoire de carac­térisation des fibres mis à la disposi­tion de l’ensemble de la filière en Hauts-de-France et une plateforme coopérative pour tous les acteurs qui veulent réfléchir à la valorisation du textile made in France.