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Comment la recherche peut-elle favoriser la ville durable et résiliente ?

Face aux enjeux liés au changement climatique, l’ADEME explore diverses stratégies visant à créer des villes durables et résilientes. Huit projets de recherche, lauréats des APRs MODEVAL-URBA, Bâtiments Responsables, TEES, APRED et GESIPOL, offrent des perspectives innovantes et variées sur la manière de concevoir et de réaménager les espaces urbains.


Explorant diverses pistes en vue d’améliorer le confort thermique, réduire les émissions de carbone, promouvoir l’économie circulaire et assurer la sobriété énergétique, ces projets partagent l’objectif commun d’adapter nos villes aux changements auxquels elles sont confrontées. 

Le rôle fondamental de la nature

Les projets MESH-2C, issus de l’APR MODEVAL-URBA 2019, et SOFT (MODEVAL-URBA 2017) soulignent tous deux l’importance des espaces verts pour le confort thermique et la qualité de vie en ville.
Le premier vise à comprendre comment les formes urbaines, les matériaux, la ventilation et la végétation influencent les conditions climatiques en milieu urbain. Sous certaines conditions en effet, l’utilisation stratégique des arbres et de leur ombrage compte parmi les solutions les plus efficaces afin de lutter contre les îlots de chaleur. Un algorithme a donc été développé pour sélectionner les espèces et leurs emplacements en fonction de leurs besoins et de leur impact sur le microclimat local.
SOFT « Sobriété énergétique par les formes urbaines et le transport » propose quant à lui des solutions pour préserver et renforcer les trames vertes et bleues, diversifier les densités de logement et de population, et organiser hiérarchiquement centralités, commerces, emplois et aménités, afin de maximiser les mobilités douces. SOFT offre ainsi un modèle de développement urbain qui maximise l’efficacité énergétique et minimise les impacts environnementaux. 

La place accordée à la sobriété énergétique et aux énergies renouvelables (EnR)

La sobriété énergétique ainsi que l’intégration des EnR dans les projets d’aménagement, notamment à l’échelle du quartier, sont également un objectif essentiel qu’étudient les projets SOFT, Quartier E+C- et TranZAE.
D’abord, SOFT (APR MODEVAL-URBA 2017) aborde la sobriété énergétique en utilisant un concept d’aménagement multiéchelle basé sur la géométrie fractale. Le projet démontre que la sobriété énergétique est une voie essentielle pour la transition urbaine, en s’appuyant sur des pratiques locales. Le projet utilise le modèle Fractalopolis, un concept d’aménagement intégré à un logiciel open source, qui permet de créer un zonage multiéchelle spécifique, en préservant des espaces vides pour la continuité des trames vertes et bleues. Ce zonage sert de plan local d’urbanisme multiéchelle à partir duquel il est possible de répartir les logements selon la hiérarchie spatiale proposée. Des évaluations d’accessibilité aux commerces et services sont réalisées. Enfin, la population peut être simulée pour une croissance urbaine ou la répartition spatiale des services reconfigurée, permettant ainsi de comparer différents scénarios.
La question de la performance environnementale est également abordée dans le projet Quartier E+C-, issu de l’APR Bâtiments responsables qui a donné naissance à la méthode Quartier Énergie Carbone. Son objectif est l’évaluation quantitative et prédictive de la performance carbone et énergétique d’un quartier (ou d’un projet d’aménagement) selon les règles de l’analyse de cycle de vie (ACV) à partir d’un programme, d’un contexte (local et national) et d’une liste de stratégies urbaines et de leviers actionnés ou non par les acteurs du projet. Cette méthode est conçue pour être mobilisée dans les phases amont de conception du projet et a été testée sur huit sites pilotes.
Enfin, TranZAE (APR APRED 2021) cherche à faire évoluer les Zones d’activités économiques (ZAE) en Communautés locales d’énergie via l’autoconsommation collective du photovoltaïque à l’échelle des quartiers. Le projet vise à accélérer le déploiement des énergies renouvelables pour répondre à leurs propres besoins énergétiques, avec de nouveaux services comme les recharges de véhicules électriques. L’objectif global est de décarboner et revitaliser ces zones, tout en soutenant les zones résidentielles voisines situées dans le périmètre géographique d’application de l’Autoconsommation collective. Une méthodologie basée sur une base de données cadastrale et énergétique sera développée, accompagnée d’outils de simulation et d’une étude sociologique, afin de créer un guide méthodologique pour accompagner cette transformation.

L’infiltration des eaux de pluies pour une « ville perméable »

Les opérations d’infiltration des eaux pluviales contribuent à retrouver un cycle de l’eau plus naturel en ville. Sur des parcelles de sols urbains dégradés, elles nécessitent d’être sécurisées en maîtrisant les risques pour les eaux souterraines. 

Actuellement, les décisionnaires écartent souvent les solutions d’infiltration des eaux pluviales par précaution, même quand le risque de mobilité des polluants présents dans les sols est faible. Le projet INFUSE cherche à combler cette lacune en élaborant des approches plus précises et adaptées. Pour ce faire, les transferts de polluants des sols urbains vers la nappe via l’infiltration des eaux pluviales seront évalués grâce à la combinaison de deux approches complémentaires. D’une part, des essais in situ, avec le suivi des flux massiques de polluants en sortie de dispositif d’infiltration des eaux pluviales en conditions réelles sur un site pilote de petite taille pendant 12 mois. D’autre part, de la modélisation numérique, pour évaluer les transferts de polluants depuis les sols vers les eaux souterraines avec comme données d’entrée les paramètres mesurés lors du suivi du site pilote. À l’issue des travaux, un guide technique sera produit pour conduire les études de faisabilité, de dimensionnement et de suivi d’ouvrages d’infiltration des eaux pluviales dans des sols urbains dégradés. 

Intégrer l’écoconception et favoriser l’économie circulaire 

Les projets Quartier E+C- et PULSE PARIS intègrent des pratiques d’économie circulaire et d’écoconception pour réduire les impacts environnementaux à l’échelle du quartier. 
Ainsi, PULSE PARIS (MODEVAL-URBA 2017) se concentre sur les pratiques d’écoconception, particulièrement à l’échelle d’un quartier ou d’un projet d’aménagement. Le projet, basé sur une réflexion en cycle de vie, s’appuie sur deux approches : une approche bottom-up qui part d’une analyse par bâtiment pour étudier ensuite son influence sur les orientations stratégiques de la ville, et une approche top-down qui part des orientations stratégiques de la ville pour évaluer leur influence sur la conception des projets urbains. PULSE PARIS s’articule particulièrement autour du projet de requalification de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de- Paul dans le 14e arrondissement. Principalement résidentiel, le futur quartier aspire à devenir un écoquartier exemplaire grâce à une démarche environnementale ambitieuse, visant à être la première Zone d’aménagement concerté (ZAC) résiliente et adaptée aux changements climatiques. Ce projet a débouché sur des recommandations opérationnelles à l’usage des maîtres d’ouvrage. 

Le rôle des citoyens 

Deux autres projets lauréats des APR TEES et APRED explorent quant à eux le rôle des habitants et citoyens. 

Ainsi, le projet Coop’innov analyse le rôle de collectifs d’habitants qui introduisent de nouvelles pratiques démocratiques et de gouvernance locale. Ces collectifs de citoyens recherchent la sobriété et des modes de vie plus responsables, avec pour objectif le développement de bâtiments sous le régime de la propriété collective et dans une perspective antispéculative. Exemplaires en matière de performances écologiques, ces initiatives sensibilisent, mettent à l’épreuve et renouvellent les pratiques des acteurs associés à ces expérimentations (élus, techniciens, opérateurs de logement social, banquiers, professionnels du bâtiment, etc.). Localement, elles forment des réseaux autour de pratiques écologiques partagées, dessinant de nouveaux modes de vie (jardins collectifs, autopartage, équipements communs, etc.) et introduisent de nouvelles méthodes d’aménagement et de gestion foncière. Elles complexifient la gouvernance territoriale en intégrant la démocratie jusque dans les opérations les plus locales. Si de telles innovations institutionnelles ne vont pas sans friction, il s’agit bien, à travers la délibération comme à travers le « faire ensemble », de construire un chemin de transition appropriable et souhaitable pour tous. 
Autre ambition, le projet RECA (Réduction d’émissions carbones pour l’autoconsommation d’énergies renouvelables, issu de l’APRED 2019) vise à identifier et évaluer les gains locaux de carbone, impliquer les citoyens et parties prenantes et développer une méthode pour évaluer les réductions d’émissions de carbone liées à l’autoconsommation d’EnR. Le quartier Atlantech, situé dans la Communauté d’agglomération de La Rochelle, sert de terrain d’expérimentation, et, spécificité de ce projet, il s’appuie sur un comité participatif citoyen rassemblant entreprises, salariés, usagers du quartier et chercheurs autour d’une recherche action participative. Ce comité a imaginé un serious game intitulé « Solaropolis, décarbone ton quartier » à partir de la méthodologie simplifiée de calcul carbone, mais dont toutes les données sont issues du projet de recherche. Chaque partie permet de simuler la gestion d’une centrale photovoltaïque en situation d’autoconsommation collective. Objectif : se coordonner collectivement dans les gestes individuels pour faire face aux aléas climatiques tout en optimisant leur rémunération individuelle et la comptabilité carbone du quartier. 
Diverses stratégies peuvent ainsi converger pour atteindre des objectifs communs de durabilité urbaine. Ces initiatives démontrent également la nécessité de travailler à différentes échelles du territoire et de relier les décisions ponctuelles aux stratégies globales de la ville. Quatre de ces six projets MESH-2C, PULSE PARIS, Quartier E+C- et Coop’Innov, sont présentés lors du colloque ANR-ADEME intitulé « Les défis de la ville en transition : bilan et perspectives de recherche. »