Décryptage

“ Transition(s) 2050 : des scénarios pour mener la transition écologique”

Pendant plus de deux ans, l’ensemble des directions de l’ADEME ont élaboré une étude prospective : « Transition(s) 2050 ». Cette vision transversale examine quatre scénarios pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Décryptage de Valérie Quiniou-Ramus, directrice exécutive prospective et recherche de l’ADEME.


Pendant plus de deux ans, l’ensemble des directions de l’ADEME ont élaboré une étude prospective : "Transition(s) 2050". Cette vision transversale examine quatre scénarios pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
Valérie Quiniou-Ramus

Selon la loi Énergie-Climat, la France doit atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, c’est-à-dire un équilibre entre les gaz à effet de serre émis et la quantité de CO2 absorbée par les puits carbone naturels ou technologiques. Pour répondre à cet objectif, cette étude propose quatre trajectoires alternatives qui explorent des transformations techniques, économiques, de société, de gouvernance et de territoires. Pour chaque trajectoire, la réduction des émissions et l’évolution des puits de carbone sont analysées au regard de la consommation de biens et de services, d’énergie, de matériaux, mais aussi de la transformation des systèmes productifs… Ces scénarios, qui jouent plus ou moins sur les leviers de sobriété, d’efficacité énergétique et de décarbonation, présentent donc des alternatives stratégiques pour mener la transition écologique.

Comment cette étude a-t-elle été menée ?
V. Q.-R.

Pendant plus de deux ans, l’ensemble des expertises de l’ADEME ont été mobilisées autour d’une même vision transversale pour mener cette analyse systémique. Nous nous sommes attachés à évaluer du mieux possible les impacts de ces trajectoires sur d’autres ressources que l’énergie. Par exemple, la biomasse, très utilisée dans les scénarios de transition énergétique, est à la fois une ressource alimentaire et énergétique, un matériau de construction et un puits naturel de séquestration du CO2. Nous avons donc adopté une vision d’ensemble pour analyser les impacts de chacun de nos scénarios sur cette ressource. Ce travail a aussi été l’occasion de dialoguer avec de nombreux acteurs sur l’état des connaissances et les enjeux de la transition : nous nous sommes appuyés sur notre conseil scientifique élargi à d’autres experts et sur des consultations externes. Et nous sommes en train de compléter l’exercice par des études prospectives de filières, en déclinant nos scénarios dans des secteurs à enjeux : logistique, construction, gaz et carburant liquide, protéine alimentaire…

Pourquoi une telle étude aujourd’hui ?
V. Q.-R. 

Cette étude a vocation à contribuer aux débats autour de l’élection présidentielle et à alimenter la concertation autour de la stratégie française énergie-climat pour 2023, qui se terminera en février 2022. Nos derniers grands scénarios prospectifs remontaient à 2017. On ne regarde plus 2030 de la même manière en 2021. Notre étude remet à jour les tendances. En outre, alors qu’autrefois nous étions plutôt axés sur l’énergie et le climat, nous avons maintenant une vision plus large, qui prend en compte les ressources. Début 2022, nous publierons deux études complémentaires, l’une sur les métaux et matériaux de la transition, l’autre sur l’empreinte carbone et les ressources. Nous souhaitons ainsi proposer des trajectoires, dont nous pouvons débattre collectivement. Jusqu’où sommes-nous capables de sobriété et est-ce dommageable pour l’industrie française ? Qu’est-ce qu’un régime alimentaire durable ? Peut-on s’appuyer uniquement sur les puits naturels de carbone pour atteindre la neutralité ? Autant de questions sous-jacentes dont les réponses dessineront la société de demain.

Quels sont les résultats de votre étude prospective ?
V. Q.-R. 

Deux scénarios mettent l’accent stratégique sur la maîtrise de la demande, tandis que deux autres mettent plutôt la priorité sur la décarbonation de l’offre. Il faut jouer sur plusieurs leviers et conduire des transformations cohérentes et simultanées. Ce qui est certain, c’est que la réduction de la demande d’énergie, l’évolution technologique et la transformation des systèmes productifs sont indispensables pour atteindre la neutralité carbone. La maîtrise des émissions de gaz à effet de serre doit être accompagnée du développement des puits de carbone, en particulier des puits naturels.

Tous les scénarios soulignent également la nécessité d’agir rapidement, et de faire des choix cohérents grâce à une vision partagée de la transition écologique souhaitée. Quels que soient ces choix, ils passent par des transformations profondes, dès cette décennie, de nos modes de consommation comme de l’aménagement de notre territoire. La réduction de la consommation d’énergie implique des modifications radicales de l’habitat, des mobilités, et une adaptation profonde du système productif agricole et industriel. Ce qui suppose la mise en place de processus de coordination et de planification collectifs impliquant l’ensemble de la société.

– 60  %

de consommation d’énergie finale par rapport à 2015 dans le scénario le plus
sobre, – 25 % dans le scénario le moins contraignant.

70 à 88 %

C’est la quantité d’approvisionnement énergétique assuré par les énergies renouvelables en 2050, selon les scénarios.

5,5 à  8,9 GW

De plus par an en moyenne. C’est l’augmentation des capacités renouvelables électriques pour la période 2020-2050.