Dossier

Pour un choix éclairé de notre futur

Si, en France, l’objectif de neutralité carbone est acquis, la trajectoire pour y arriver reste incertaine. L’ADEME a donc décidé d’alimenter le débat avec quatre scénarios très contrastés et leurs implications : une façon d’éviter les fausses routes et d’accélérer la définition de ce chemin.


Publiée fin 2021, l’étude prospective Transition(s) 2050 a mobilisé l’ADEME pendant deux ans. Il s’agissait d’adapter au contexte français les quatre scénarios proposés par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Les évolutions possibles de nos modes de vie, de notre mix énergétique et de nos systèmes productifs ont été analysées au regard de leurs impacts climatiques et environnementaux, de leurs enjeux économiques, de la disponibilité des ressources et des progrès technologiques annoncés. Il en est ressorti quatre trajectoires qui permettent d’arriver à la neutralité carbone en 2050, mais reposant sur des choix de société très différents. Ce sont ces choix, et l’avenir qu’ils dessinent, que l’ADEME a souhaité verser au débat, alors qu’ont démarré les travaux d’élaboration de la future Stratégie française sur l’énergie et le climat (SFEC).

Des questions à se poser

« Notre travail montre que plusieurs trajectoires sont encore possibles, c’est rassurant. Mais il souligne aussi la nécessité d’en définir une rapidement, prévient Valérie Quiniou, directrice exécutive Prospective et recherche à l’ADEME. Impliquer l’ensemble des acteurs dans un changement si profond de leurs façons de produire, de cultiver, de consommer, d’habiter, de se déplacer ou d’aménager le territoire ne peut pas reposer que sur des décisions individuelles. Des mesures d’accompagnement collectives sont nécessaires. Cela suppose un débat national pour une vision partagée du futur, puis la mise en place des conditions d’organisation et de déploiement. En cela, les travaux de la SFEC vont dans le bon sens : ils permettent de choisir la trajectoire qui servira de base au projet de loi de programmation énergie-climat, qui sera adopté en 2023 et appliqué par tous les organes de l’État. »

À ce stade, l’ADEME n’a pas voulu choisir une trajectoire, mais présenter les quatre scénarios sous forme de récits concrets, pour que chacun puisse s’y projeter, en cerner les atouts et les limites, ainsi que leurs impacts environnementaux, sociaux et économiques. Transition(s) 2050 soulève en effet des questions essentielles : jusqu’où sommes-nous capables d’aller en termes de sobriété ? Peut-on éviter de recourir aux puits de carbone technologiques ? Quel nouveau modèle pour l’industrie française ? Quelle alimentation pour demain ?

Quatre paris sur l’avenir

Le premier scénario, « Génération frugale », pousse à son maximum le curseur de la ­­sobriété, pour atteindre l’objectif sans risque de tension d’approvisionnement énergétique et en misant sur les seuls puits biologiques pour atteindre la neutralité carbone. Mais il requiert de tels changements de comportements qu’il risque de se heurter à un problème d’acceptabilité. Le scénario 4, « Pari réparateur », est moins clivant car il suit les tendances actuelles. En revanche, il mise sur le développement à grande échelle de technologies encore incertaines pour capter dans l’atmosphère le CO2 émis en excès. Le scénario 2, « Coopérations territoriales », propose une sobriété acceptable mais s’appuie beaucoup sur la concertation et l’économie du partage, ce qui peut prendre du temps voire ne pas aboutir. Le scénario 3, « Technologies vertes », mise beaucoup sur le numérique, les énergies renouvelables et la construction neuve, ce qui demande une grande vigilance vis-à-vis des ressources utilisées (énergie, eau, métaux…), notamment de la biomasse, sur laquelle tous les secteurs souhaitent s’appuyer pour leur transition écologique. On l’aura compris : dans tous les cas, la neutralité carbone repose sur des paris. Se contenter d’attendre que les gens changent de comportement ou qu’une innovation voie le jour, c’est prendre la responsabilité de retarder l’action climatique et de voir s’accumuler les gaz à effet de serre dans l’atmosphère. C’est pourquoi certaines mesures restent incontournables : décarbonation, maîtrise de l’énergie, développement des énergies renouvelables, etc. D’autres exercices prospectifs récemment publiés (par RTE, négaWatt, The Shift Project…) rejoignent ceux de l’ADEME sur ces constantes.

« Chacun de nos scénarios fonctionne comme un tout, conçu de façon cohérente, en prenant en compte les besoins en ressources et les contraintes des systèmes qui les produisent. On peut les ajuster, mais pas à la carte, insiste David Marchal, directeur adjoint Programmes et expertises à l’ADEME. La SFEC devra prendre en compte cette nécessaire cohérence d’ensemble. Il est aussi indispensable d’aider les acteurs économiques à anticiper les transformations qui les attendent : c’est ce que nous essayons de faire aux travers de nos plans de transition sectoriels pour l’industrie, ou de nos études, à paraître, sur quatre grandes filières (la logistique, la construction neuve, les gaz et carburants liquides, les protéines). » Prochaine étape : réfléchir à des outils de politique publique efficaces et pertinents pour embarquer toute la société vers la neutralité carbone.

- 23 à - 55 %

de réduction de la demande en énergie entre 2015 et 2050, selon les scénarios.

70  %

d’énergies renouvelables minimum dans tous les scénarios.

Le Grand Défi Écologique

Pour ses trente ans, l’ADEME lance un rendez-vous biennal appelé « Le Grand Défi Écologique », auquel elle convie les particuliers, les collectivités, les entreprises et toutes les autres organisations, publiques ou privées, concernées par la transition écologique. La première édition se tiendra du 27 mars au 1er avril 2022 à Angers. Objectif : amener les participants à se projeter dans les scénarios de Transition(s) 2050 et à en débattre.

Plus d’infos sur www.legranddefiecologique.ademe.fr