Décryptage

« La transition passera par une réduction drastique des plastiques et une accélération de leur recyclage  »

L’effort collectif pour recycler nos déchets plastiques monte en puissance. Il faudra continuer à le soutenir et l’amplifier. Interview de Roland Marion, directeur Économie circulaire de l'ADEME.


Après le 7e continent, le plastique défraye à nouveau la chronique : de macroplastiques, il devient microplastiques que l’on retrouve jusque dans les tissus du vivant… Où en est-on, aujourd’hui, de sa mise sous contrôle ?
Roland Marion 

Pour comprendre où nous en sommes, il faut rappeler d’où nous venons. En France, la première loi structurante sur les déchets date seulement de 1975. Elle confie aux collectivités la compétence déchets, allant de la collecte au traitement, en passant par le transport des déchets ménagers. Il faut ensuite attendre 40 ans et la loi de transition énergétique pour la croissance verte pour que le recul de l’enfouissement et le développement de l’économie circulaire soient inscrits dans le droit. Puis les choses s’accélèrent en 2020 et 2021 avec les lois Anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC)  et Climat et Résilience. Elles fixent un cap général et des objectifs chiffrés pour les emballages plastiques à usage unique : disparition en 2040 et, d’ici à 2025, 20 % de réduction des quantités mises sur le marché, tout en tendant vers 100 % de recyclage. L’État a donc pris le problème à bras-le-corps.

Comment atteindre ces objectifs ?
R. M.

Il faut d’abord une filière de recyclage pérenne. Or sa santé est directement dépendante des prix du pétrole et des plastiques vierges, ses concurrents directs. En 2014, quand ceux-ci étaient au plus bas, nous avons mis en place le dispositif ORPLAST (Objectif Recyclage PLASTiques), qui assure des débouchés à cette filière en aidant financièrement les industriels à incorporer davantage de plastique recyclé dans leurs processus de production. Pour les bouteilles en polyéthylène téréphtalate (PET), la réglementation européenne est en train de prendre le relais avec un taux obligatoire d’incorporation de plastique recyclé de 25 % en 2025 puis de 30 % en 2030. En amont, il y a aussi l’enjeu de la collecte, pour assurer à la filière du recyclage un gisement suffisant. À la fin de l’année, un pas décisif aura été franchi avec l’extension des consignes de tri. En clair : tous les emballages pourront être mis dans le même bac jaune, en tout point du territoire. Pour cela, il aura fallu moderniser les chaînes de tri : 124 millions d’euros de financement ont été apportés par l’ADEME via le fonds pour l’économie circulaire et le plan de relance, depuis 2019.

Disposez-vous des moyens nécessaires pour aller plus loin ?
R. M.

On constate aujourd’hui qu’il faut investir 1 million d’euros pour augmenter de 1 000 tonnes les capacités de recyclage. Dans le cadre du plan de relance en 2021 et 2022, nous avons mobilisé 136 millions d’euros qui devraient permettre de soustraire environ 450 000 tonnes de plastique à l’incinération ou à l’enfouissement. Et redonner une seconde vie à cette matière première précieuse, issue de pétrole. Au-delà des chiffres, c’est la dynamique en train de se mettre en place dans tous les secteurs qui est encourageante. De plus en plus d’entreprises mettent les questions environnementales au cœur de leurs préoccupations, ce qui est une attente forte tant pour leurs salariés que pour leurs clients. On trouve ainsi des baskets, des textiles et de nombreux éléments de véhicule fabriqués à partir de plastiques recyclés. Parfois à 100 %.

Quelles sont, aujourd’hui, les principales pistes de progrès ?
R. M.  

Si l’on repart de la hiérarchie européenne, il faut d’abord diminuer les emballages, puis développer l’emballage réutilisable. Le principe de la consigne est très répandu en Allemagne et dans d’autres pays, pourquoi pas chez nous ? Le sujet est d’ailleurs posé dans la loi AGEC déjà citée. Il faut aussi davantage collecter séparément et s’attaquer à la conception des produits, qui peut faciliter, ou compliquer, le recyclage. Nous devons notamment bannir les résines rares, dont le traitement ne pourra jamais être massifié. Nous devons encore achever la mise au point des procédés chimiques pour les produits qui ne passent pas l’étape traditionnelle du broyage mécanique, comme les films et les textiles : l’ADEME opère actuellement un appel à projets France 2030, qui permettra l’essor de nouvelles technologies performantes. Et il faut faire tout cela en veillant à ne pas priver de leurs gisements et à ne pas désorganiser les filières qui fonctionnent. C’est d’ailleurs pourquoi nous sommes prudents sur les « nouveaux plastiques », biosourcés ou compostables, dont le traitement est loin d’être maîtrisé. Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : quel que soit le scénario de transition écologique que nous emprunterons, il passera par la réduction drastique de nos déchets plastiques et une accélération de leur recyclage. Ils sont une partie du problème… et donc de la solution !

3,663 millions de tonnes

de déchets plastiques produits chaque année sur le sol français

622 000 tonnes

dirigées vers les filières de recyclage pour un nouvel usage

1,267 million de tonnes

de déchets plastiques collectés en vue du recyclage.