Yoanna Sallese est journaliste et humoriste. Avec le Greenwashing Comedy Club, elle fait la tournée des entreprises et associations pour tordre le cou à l’éco-anxiété. À chaque fois, son stand-up aussi caustique qu’engagé rencontre son public. Avec elle, l’humour est aussi efficace qu’un papier d’investigation sur le climat, le rire en plus.
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Ce collectif a été lancé en 2022 par deux femmes, Rafaëlla Scheer et Anne Dupin, pour sensibiliser aux questions préoccupantes comme le réchauffement climatique en utilisant l’humour comme vecteur. Le collectif est un comedy club nomade qui se déplace dans les tiers-lieux, comme la Récolte Citadine ou encore l’Académie du Climat à Paris. On joue aussi dans les entreprises et associations, pour offrir du stand-up garanti sans éco-anxiété. L’idée, c’est de se dire que même si on n’a pas vraiment de solutions à proposer, au moins on a des blagues ! Je fais partie des humoristes régulièrement sollicités. Nous abordons des sujets tels que le climat, l’environnement, la consommation… Récemment, nous avons fait l’ouverture du Climat Libé Tour !
Au contraire, ce n’est pas si étonnant d’être journaliste et de faire du stand-up. Un journaliste est un passeur d’idées et d’histoires, tout comme l’humoriste. Il y a du récit dans les deux. J’ai voulu être journaliste pour parler de l’actualité et décortiquer la société. J’ai gardé cette démarche dans le stand-up. Je ne me considère pas comme une humoriste engagée, mais comme quelqu’un qui véhicule des informations, un savoir. C’est ma vision du stand-up.
J’étais encore journaliste spécialisée en sujets environnementaux et urbains – pour lesquels j’ai d’ailleurs beaucoup consulté les ressources de l’ADEME – lorsque j’ai commencé à noter mes premières idées de sketch. De l’agriculture urbaine qui permet de cultiver des fraises avec des lampes LED au vélo à Paris derrière les pots d’échappement, certaines situations me faisaient rire alors j’ai pris des notes sans penser que j’allais faire du stand-up derrière. Puis tout s’est accéléré, j’ai écrit un premier sketch pendant le confinement et il y a un an, le Greenwashing Comedy Club m’a repérée et j’ai commencé à tourner avec le collectif.
J’ai envie de croire qu’on peut tout dire, mais pas « mal dire » les choses. Si on le dit, il faut le faire bien ! Aujourd’hui, on a tendance à classer l’humour « extrême gauche, droite, queer, woke…» J’estime que c’est un risque de s’enfermer dans une case, qu’elle soit politique ou communautaire. Être humoriste et journaliste, c’est cultiver une liberté de ton et une forme d’impertinence. On stigmatise souvent les femmes dans le stand-up, en pensant qu’elles vont faire de « l’humour de femme ». Alors qu’on doit pouvoir s’autoriser à parler de tout en stand-up. Le meilleur engagement, c’est d’aller au-delà de ce qu’on projette sur nous. C’est pourquoi le Greenwashing Comedy Club propose des univers différents selon les artistes : ce n’est pas UN humour écolo mais DES formes d’humours différentes mêlant écologie, féminisme, lutte contre les discriminations, questions sociétales…
Honnêtement, oui. Face au réchauffement climatique, on peut soit devenir parano, soit se dire qu’on peut faire bouger les lignes à notre niveau. Ce qu’il nous reste c’est le rire, alors profitons-en ! De plus en plus de personnalités émergent avec cette nouvelle manière de parler des problèmes et tabous avec humour, pour ouvrir les consciences. Blanche Gardin l’a fait pour les femmes de plus de 40 ans sans enfants, le Jamel Comedy Club a fait entrer les personnes de banlieue et racisées dans Paris, Waly Dia s’empare des pires sujets d’actualité pour nous faire rire aux éclats…
Nos sketchs font rire les éco-anxieux et décrispent tout le monde autour de ces sujets difficiles à aborder. Je suis intervenue chez Ticket For Change et après avoir entendu en introduction qu’on naviguait entre crise migratoire et océans de plastiques, j’ai dû monter sur scène pour faire rire les gens. Et ça a marché !
C’est une question difficile. C’est très personnel une blague, chaque humoriste aura une réponse différente. Je dirais qu’une bonne blague est une blague qui nous surprend vraiment. Généralement, quand on va dans la direction opposée à celle attendue par le public, c’est là que la magie opère.
Pas vraiment, on joue souvent devant des publics déjà acquis. J’appelle donc le PDG de Total à nous inviter ! Il nous faut des « indics » de l’écologie partout pour faire bouger les choses. Plus sérieusement, les entreprises nous sollicitent de plus en plus, preuve d’un intérêt pour le sujet. Il faut maintenant décloisonner et aller à la rencontre de publics plus « difficiles à convaincre » car là est tout l’enjeu !
Les faits sociétaux me régalent. Ce qui marche bien dans les sketchs, c’est quand je prends un contrepied inattendu et que je dis des choses comme « ce n’est pas parce qu’on mange des graines qu’on est quelqu’un de bien ».
Le rire et le vélo ! Je suis écolo parce que j’ai raté 6 fois mon permis de conduire. Avec un meilleur pouvoir d’achat et le permis, j’aurais peut-être été différente (rires).
Et parce que le meilleur remède à l’éco-anxiété c’est le rire, vous pouvez aller voir Yoanna Sallese sur scène le 18 juin à 20h au théâtre Le Point-Virgule à Paris.